L’art délicat de la négociation du salaire d’acteur

Nous voici entrés dans une partie où les frontières salariales sont beaucoup plus floues. Et où, du coup, les négociations peuvent être difficiles. 

Frontière floues qui ont même des allures de Far West pour les interprètes débutant.e.s ou inexpérimenté.e.s. Il ne tient qu'à vous, en tant que producteur ou productrice, de ne pas tirer avantage de la situation tout en négociant correctement les salaires.

C'est d'abord une question de rhétorique.

La première chose à faire, c'est de bannir certains arguments de votre arsenal rhétorique.

  • Ca te fera de la promo.
    Non. Quel que soit le film que vous tourniez, le fait pour un.e interprète de tourner dedans ne lui fera pas plus de promo que sa présence au générique n'en fera pour votre film.  
  • Si ça marche, je te reprends pour mon prochain film.
    Vous ne pouvez tout simplement pas faire cette promesse parce que vous ne savez pas comment votre prochain film sera financé (si il est financé). Il suffit qu'un coproducteur exige par contrat d'autres interprètes pour que vous vous retrouviez bloqué.
  • Tu recevras un pourcentage des recettes.
    Tout d'abord, il n'y a qu'un moyen pour qu'une personne reçoive un pourcentage des recettes: être co-producteur. Ensuite, si vous en êtes à ce genre d'arguments, vous croyez que votre film génèrera assez de recette pour payer un salaire décent ?
  • Tu seras payé si je reçois tel ou tel financement.
    Retournez plutôt la proposition: qu'est-ce qui va se passez si vous ne recevez pas les financement que vous espériez ? Ne vaut-il pas mieux mettre le film en pause en attendant le financement, ou carrément abandonner le projet ?

Oui, mais alors, on les fait comment, les "film fauchés" ?

Il y a une double réponse à cela : 

  1. Il y a une différence entre film fauché et film qui n'a pas atteint son financement.
    Il y a un nombre incalculable de projets qui se disent "film fauché" mais qui n'en sont pas.
    Et très souvent de bonne foi !
    Ce sont des films qui, dans d'autres circonstances, ou vus de l'extérieur, ont un budget assez confortable. Sauf que, entre la première mouture du budget et un instant T, certaines sources de financement ne se sont pas concrétisées. Il faut donc faire le même film, avec moins d'argent que prévu. Plutôt que de faire le choix difficile, intellectuellement harassant et artistiquement frustrant de reprendre la matière pour réduire les coûts matériels, on prend l'option de facilité, et on se met en mode "film fauché" pour couper dans les salaires.
  2. Pour faire un film fauché, il n'y a qu'un prérequis: jouer cartes sur table.
    Ne pas faire de promesses en l'air, ne rien faire miroiter. Ne pas se montrer plus qu'on ne l'est.
    Bref, ne pas chercher des arguments fallacieux pour convaincre des gens de monter à bord de votre projet. Vous devez convaincre avec ce que vous avez : votre scénario, votre désir inextinguible de le filmer et votre rage d'y arriver. Si vous n'avez que ça à proposer et que vous arrivez tout de même à constituer une équipe motivée autour de vous, votre  film n'en sera que meilleur.

En résumé : payez les gens correctement, et si vous ne le pouvez pas, ne mentez pas.

Comment on négocie avec des acteur.rices?

Pour les plus connu.e.s, et qui ont déjà une belle carrière, la réponse est, encore une fois, simple: on ne négocie pas.

On passe alors l'intermédiaire d'une agence. Qui, chez nous, est souvent une agence française. Très peu d'agents sont actifs en Belgique, où le métier n'est pas reconnu.

Outre le fait que vous devrez payer 10% supplémentaires sur le salaire négocié au titre de commission de l'agent, celui-ci tentera de négocier le salaire le plus élevé possible pour son client, ainsi qu'un maximum d'avantages supplémentaires. De plus, les accords entre l'agent et ses clients font que les acteurs et actrices renvoient systématiquement vers leur agent pour négocier les prix. Situation frustrante, voire à la limite de la légalité pour certains - après tout, être obligé de passer par un intermédiaire qui prend son pourcentage pour les services de quelqu'un d'autre, ça ressemble beaucoup à de l'exploitation d'autrui.

Mais il faudra néanmoins s'y faire si voulez décrocher un "nom". Le métier d'agent est né aussi en réaction contre les abus de la profession de producteur.

Rôles principaux, rôles secondaires, la convention

C'est un peu par convention que nous distinguons les rôles principaux des rôles secondaires. C'est aussi probablement une conséquence du point précédent : l'une des exigences principales des agents concerne la place du nom de ses client.e.s au générique et sur les affiches. 

Ainsi, souvent, ce qu'on appelle les rôles principaux sont tenus par des personnes dont la carrière est déjà plus conséquente, et qui ne gèrent plus eux-mêmes la négociations de leurs rôles et de leurs contrats.

Les rôles secondaires, tenus par extension de cet état de fait, par des interprètes moins connus, n'ont pas moins d'importance pour le film. Ils sont juste moins présents à l'écran. De là à considérer que cela mérite une distinction salariale, c'est un débat qui mérite d'être posé.

Ceci étant dit, nous allons voir dans la leçon suivante les catégorisations de rôles et leur implication budgétaire.